La rate amoureuse
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Existe-t-il des sentiments amoureux chez les rats ? Une chose est sûre : chacun a sa personnalité, ses goûts propres, ses affinités. Alors, l’amour ?
J’ai à la maison une rate amoureuse, Moone. De caractère plutôt indépendant, elle ne prend jamais part aux histoires de groupe et même si elle a toujours montré une préférence pour sa première copine Soko, elle s’entend bien avec tout le monde.
Et un jour est arrivé Stan. Le grand, le beau Stan, le double de son âge mais qu’importe, quand on aime. Stan, parce qu’il était AH, a dû être castré. Montrant toujours beaucoup d’agressivité envers les autres mâles, c’est avec les filles qu’il a fini par habiter. Et là, c’est le coup de foudre.
Première rencontre. Stan et Moone sont seuls dans la chambre. Sur un grand lit rose. Chez les rats, on n’est pas vraiment adepte des préliminaires. Stan cherche à monter Moone. La demoiselle joue les effarouchées, se laisse poursuivre… Et finit par accepter le mâle. Castré depuis peu, Stan a encore ses instincts*.
Les rencontres suivantes ne se font plus seuls. Stan se retrouve d’un coup avec cinq femelles hyper curieuses qui ne lui laissent pas une minute de répit. Lui n’a plus d’envie de mâle. Tout ça, c’est du passé. Dès qu’elle le voit, Moone vient le harceler. Est-ce qu’elle cherche à se venger qu’il ne l’ait jamais rappelée après leur nuit de sexe débridé ? En insistant elle le fera même tomber d’une chaise. Le pauvre Stan ne veut qu’une chose : la paix. Un groupe de filles, c’est juste l’enfer.
Et puis, au fil des sorties, les filles finissent par accepter Stan. Elles le cherchent moins, et lui commence à s’habituer à ses futures co-locataires. Sauf Moone. Stan, c’est son obsession. Dès qu’elle le voit, elle court vers lui, lui met une papatte par ci, un coup de langue par là. Elle insiste jusqu’à ce que Stan, à bout, s’ébouriffe et la retourne.
Et là, c’est le grand bonheur. Moone adore que son beau Stan la retourne. Elle en ferme les yeux de pâmoison. Elle le tient du bout de ses pattes. Enfouit son nez dans son pelage. Elle aimerait que ça dure toujours. Parfois, lorsqu’il se détourne ou refuse de la retourner, elle se met sur le dos et se glisse sous ses pattes. "Encore" qu’elle pense, la rate amoureuse. Tous les endroits sont bons. La douche, le canapé, le carrelage.
Stan ne semble pas aussi amoureux qu’elle. Mais pour Moone, qu’importe. Il reste le beau Stan, son Stan. Et je crois que ça lui plait, son attitude de beau gosse indifférent…
*Attention, il ne faut pas présenter un mâle castré à des femelles dans le mois suivant l’opération, à cause des risques de reproduction. Voir l’article "Castration" dans le Ratzine N°2.
Les rats et l’accouplement
Moone en fait ne cherche pas à s’accoupler avec Stan, mais cherche plutôt une relation de dominance avec lui. En effet, Stan ne produit plus de testostérone, réduisant ainsi grandement sa réceptivité sexuelle. Il est également probable que les phéromones qu’il dégage ne l‘identifient plus comme un reproducteur potentiel. Voyons plus en détails les comportements des rats lors de l’accouplement.
La femelle
Lorsqu’une femelle veut se reproduire, elle sollicite le mâle pour l’inciter à la monter. Elle se précipite vers lui puis s’éloigne en courant ou en bondissant. Elle peut répéter cette séquence d’approche/retrait plusieurs fois, parfois en remuant ses oreilles. Elle peut également s’arrêter près de lui ou courir à ses côtés, et peut l’intercepter dans sa poursuite d’une autre femelle. Le mâle trouve ces comportements de sollicitation très attirants, et suit la femelle. Il la monte, et la pression qu’il exerce sur ses flancs, le bas de son dos et la zone génitale provoque la lordose chez la femelle.
La lordose (dont nous avons déjà parlé dans le Ratzine N°3,"La rate en chaleur") est la position d’accouplement de la femelle, dans laquelle elle se tient rigide est immobile, le dos arqué vers le bas, la croupe levée, la queue déviée sur le côté et la vulve tournée vers le bas. Sans la lordose, la copulation n’est pas possible. Après la copulation, la femelle quitte la position d’accouplement. Elle peut se toiletter ou toiletter le mâle, faire un tour ou se reposer.
Le mâle
L’instinct sexuel chez le male se développe après la puberté, lorsque les testicules deviennent actives et commencent à secréter une hormone appelée la testostérone. La testostérone ne cause pas le comportement de reproduction autant qu’il augmente la probabilité que ce comportement arrive dans un contexte particulier, comme la présence d’une femelle réceptive. Un mâle ayant un niveau élevé de testostérone a plus de chances de copuler avec une femelle réceptive qu’un mâle avec un niveau bas de testostérone. La castration, qui consiste à enlever les testicules et donc la source de testostérone, réduit grandement la réceptivité sexuelle.
Avant la copulation, le mâle s’engage dans un comportement pré-copulatoire : il examine la femelle, renifle sa bouche et sa zone génitale. Puis il la monte, et si elle est en chaleur, elle va se mettre en position de lordose, qui rend la pénétration possible. La pénétration (quand l’organe génital du mâle entre dans celui de la femelle) est accompagnée de mouvements de poussée de l’arrière-train. La colonne du mâle peut s’arquer et ses pattes avants peuvent s’enlever du dos de la femelle. La pénétration est suivie par l’éjaculation, l’expulsion énergique de fluide séminal du corps du mâle à travers l’urètre. Un bouchon de sperme peut être déposé dans le vagin, qui sert à bloquer la pénétration d’autres mâles pendant un certain temps, donnant ainsi au sperme du mâle plus de temps pour fertiliser la femelle. Après la copulation, le mâle émet des vocalisations ultrasoniques, et il devient sexuellement inactif et léthargique. Il peut éventuellement se toiletter, puis se coucher et dormir.
Existe-t-il des couples chez les rats ?
En fait, non. S’il y a des affinités entre certains individus, elles sont plus d’ordre "amicales" qu’"amoureuses". Plusieurs mâles vont tenter de s’accoupler avec une même femelle en chaleur, et il n’y a pas de fidélité de couple. Pour élever les petits non plus, il n’y a pas de couple. Il y a la ou les femelles et leur portée, et les pères, qui n’interviendront pratiquement pas jusqu’au sevrage.
Avant le sevrage
Le mâle ne s’occupe pas des bébés avant le sevrage. S’il tente une approche, il risque même de se faire attaquer par la femelle qui défend ses petits. Lorsqu’une femelle a des bébés, la plupart des mâles restent dans un coin de la cage.
Après le sevrage
Dans la nature, les rats juvéniles sont socialisés en présence de mâles adultes. On peut noter que les mâles juvéniles sont plus lents à faire la transition entre l’adolescence et l’âge adulte si des pères sont présents. Lorsque les pères sont absents, à environ 40 jours les petits commencent à plus se bagarrer, à monter les autres, à se menacer mutuellement, et commencent à établir une hiérarchie. Lorsque les pères sont présents cependant, ces changements sont retardés : les mâles juvéniles continuent à se chamailler, se montent plus mais pas autant que les jeunes rats sans pères, et une hiérarchie stable ne s’instaure pas avant au moins 3 mois. La présence des pères pourraient en être responsable : les pères se bagarrent avec leurs petits (et régulièrement gagnent ces rencontres), et à la fin les pères font la plupart des poursuites et des montes.
On peut donc en conclure que la dominance des jeunes mâles et leurs comportements sexuels peuvent émerger plus lentement lorsque des mâles adultes sont présents et représentent la majorité des comportements sexuels et hiérarchiques. Les mâles adultes interagissent également plus avec les rats juvéniles que les femelles adultes, et pourraient ainsi jouer un rôle important dans la socialisation des jeunes rats.
Références : Nelson (1995), Schultz and Lore (1993), Meany and Stewart (1981), Drews et al. (1982)
Sujet: La rate amoureuse 
Jeu 14 Jan - 23:32
